Miyamoto Musashi est un manga en deux tomes initialement sorti chez Ushio Shuppansha au Japon. L'ouvrage a été réédité depuis en volume unitaire chez Kadokawa. Très lentement, ces derniers temps, on commence à voir les éditeurs se souvenir de l'existence de Shotaro Ishinomori (1938-1998), surnommé « le Roi du Manga », le seul dessinateur en l'honneur duquel deux musées ont été fondés. Peu connu hors du Japon, la réputation d'Ishinomori sur l'île est sans égale, exceptée celle d'Osamu Tezuka, guide et inspiration de ce mangaka fondamental des années 1960, 1970 et 1980. Et peu à peu, on commence à se rendre compte que certaines œuvres de Shotaro étaient déjà parues dans notre langue au cours des décennies précédentes.  Le problème, c'est qu'ils sont apparus… et ont disparu. Dans ce titre, déjà paru chez Kana en 2008, Ishinomori raconte la vie de Takezo Shinmen, plus connu sous le nom de Musashi Miyamoto, le plus talentueux épéiste de l'histoire du Japon, auteur de textes fondamentaux comme Le Livre des Cinq Anneaux, protagoniste de Vagabond (le célèbre manga de Takehiko Inoue) et source d'inspiration pour Usagi Yojimbo, le lapin samouraï de Stan Sakai. De nombreux cinéastes, écrivains et mangakas ont été captivés par la figure de cet étonnant guerrier du XVIIe siècle, et Shotaro lui a consacré un manga spectaculaire de près de 500 pages en 1971.

Un simple survol du manga suffit à convaincre qu'on a affaire à un artiste de qualité supérieure. On sent, à huit pâtés de maisons, que rien n'est improvisé, que rien sur la page n'est « possible », mais plutôt intentionnel. Chaque case respire la classe, le style et le savoir-faire. Le récit est calme, posé et sans précipitation, comme dans un manga classique. Les lignes cinétiques et les motifs en nuances de gris suggèrent le travail d'une légion de spectateurs, tout comme les textures obtenues grâce à un festival de hachures complètement démesuré. Le dessin est si abouti, s'élevant dans chaque séquence sereine où Ishinomori se penche sur des paysages, des vues panoramiques de villes, de châteaux et de forêts, que la beauté des images éclipse la violence de l'intrigue. Bien sûr, si les thèmes samouraïs ne vous intéressent pas, vous vous ennuierez à mourir dès qu'on évoquera daimyo, karo, écoles de combat et koku. Il s'agit d'une bande dessinée historique basée sur des faits réels, et donc méticuleusement documentée. Mais si vous aimez les samouraïs, vous avez sûrement entendu parler de Musashi Miyamoto et n'avez probablement jamais lu une biographie aussi captivante et bien dessinée que celle présentée ici par Shotaro Ishinomori, un sensei des senseis injustement ignoré par la plupart des éditeurs occidentaux.