"Moody Rouge" nous plonge dans l'univers sombre et tourmenté de Ben, un adolescent adopté, hanté par des cauchemars récurrents et entretenant des relations difficiles avec sa famille adoptive. En quête de ses origines et de son père biologique, dont il n'a que de vagues souvenirs, il part en Allemagne avec son tuteur. Là-bas, un reportage sur un peintre mystérieux reclus dans une église attire son attention. Cette piste le mènera à la découverte de secrets de famille terrifiants, mêlant horreur, onirisme et une atmosphère pesante.

Ariane Astier parvient à créer une atmosphère gothique, mélancolique et angoissante dès les premières pages. Le lecteur est immédiatement plongé dans un univers où le rêve et la réalité se confondent, où le malaise et la peur sont omniprésents. L'influence du manga horrifique est palpable, notamment dans la gestion du suspense et l'installation d'une tension constante. Le style graphique de l'album est personnel et affirmé. Il se situe à la croisée des chemins entre la bande dessinée franco-belge traditionnelle et l'esthétique manga. Les traits sont dynamiques, expressifs, et les contrastes marqués renforcent l'aspect sombre de l'histoire. L'utilisation d'une palette de couleurs majoritairement sombre, ponctuée d'éclairs de couleurs vives à des moments clés, est très efficace. On sent un réel souci du détail dans chaque case, contribuant à l'immersion du lecteur. La narration est non-linéaire, alternant entre le présent et des flashbacks, ce qui participe au mystère et à la complexité de l'histoire. Le rythme est maîtrisé, prenant le temps d'installer l'ambiance et de distiller les informations au compte-gouttes, tout en maintenant un certain suspense. Cette structure narrative peut parfois dérouter, mais elle contribue à l'effet de puzzle que l'autrice semble vouloir créer. Au-delà de l'horreur pure, "Moody Rouge" aborde des thèmes plus profonds et universels tels que la quête d'identité, les secrets de famille, les traumatismes enfouis, la difficulté des relations familiales et la frontière floue entre le rêve et la réalité. Une certaine introspection se dégage de l'œuvre. L'autrice revendique des influences du manga horrifique (comme Junji Ito ou Naoki Urasawa) et du jeu vidéo d'horreur, ce qui se ressent dans l'ambiance, le rythme et certains éléments visuels. Cette filiation est bien intégrée et ne donne pas l'impression d'une simple imitation. Ceci-dit, la narration non-linéaire et le mélange constant entre rêve et réalité peuvent rendre l'intrigue parfois difficile à suivre. Certains lecteurs pourraient se sentir perdus face à l'enchaînement des événements et avoir du mal à saisir les motivations exactes de certains personnages ou le déroulement précis des faits.