1962. Marcel a toutes les raisons d’être satisfait de lui-même. À trente-cinq ans, il réussit à reprendre l'hôtel où il travaillait dans le Cantal au pied du Viaduc de Garabit, à le rénover et à le transformer en une sorte de paradis pour les clients en quête de calme et de tranquillité. Et puis il persuada la belle Odette de l'épouser et de lui donner un héritier ; De plus, la femme se révèle être une collaboratrice compétente dans la gestion des touristes. C'est peut-être là le problème : Odette est trop intelligente. Elle est affable, plaisante avec les clients, a un mot pour chacun. Un jour, dans le salon de l'hôtel, elle regarde, les lumières tamisées, un diaporama apporté par un ami de la famille. Marcel les surprend et à partir de ce moment-là, son équilibre mental est ébranlé. Les deux n'ont rien fait, mais chaque geste d'Odette est désormais interprété par Marcel comme une preuve certaine de trahison. Au début, elle semble apprécier cette soudaine jalousie envers son mari. Mais la situation s'aggrave et affecte également la bonne marche des affaires, les clients sont perturbés par les scènes hystériques de plus en plus fréquentes de Marcel. L'épouse convainc le médecin de famille d'admettre Marcel dans une clinique psychiatrique, mais les deux n'ont pas encore passé une nuit ensemble...

L'enfer devait être le dernier film d'Henri-Georges Clouzot; en 1964, après les premières prises avec Romy Schneider et Serge Reggiani, une crise cardiaque empêche le réalisateur de continuer. Claude Chabrol, figure emblématique de la Nouvelle Vague, reprend le sujet en 1994 et signe un film nerveux, surprenant et beau. Voici à présent une adaptation du récit original en bande dessiné se basant sur les archives du film éponyme et inachevé. Nicolas Badout a enquêté dans les sources et les archives autour du film pour compléter et poser le récit terminé du scénario. La jalousie, la paranoïa et la folie montent de plus en plus au fil de l'histoire jusqu'au climax de ce drame familial. Le style graphique reprend la construction visuelle du film avec la vie réelle en noir et blanc tandis que l'image bascule en couleurs lors des phases de crises hallucinatoires et paranoïaques de Marcel. L'artiste a su croqué les traits de Serge Reggiani et Romy Schneider pour nous replonger dans cette ambiance provinciale et surannée des Trente glorieuses. Tout reste suspendu entre cauchemar et réalité, nous ne saurons jamais si la femme a trompé ou non et comment exactement les choses se sont passées lors de leur dernière nuit. Une histoire d'amour intense et déchirante.